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“Un tramway nommé désir” : coulisses d’un chef d’œuvre !

De Elia Kazan (1952 – 122 minutes)

Avec Vivien Leigh, Marlon Brando, Kim Hunter, Karl Malden,…


Oui, je sais ce que vous pensez, pour un cinéphile, ne pas encore avoir vu "Un tramway nommé désir", c'est quand-même un peu bizarre. Soit ! Mais critiquer ce grand classique du cinéma en 2016 a tout de même son intérêt…

Un tramway nommé désir Marlon Brando Vivien Leigh

Comme vous connaissez certainement tous l'histoire du film, je ne vais donc pas me lancer dans un résumé inutile. En revanche, ce que j’ai trouvé intéressant, c'est ce que le film ne montre pas...J'ai en effet effectué quelques recherches et il est étonnant de voir à quel point mes trouvailles correspondent exactement aux émotions ressenties pendant le visionnage du film et à mes interrogations.


La première chose qui m'a frappé, c'est le jeu de Vivian Leigh. Au départ, elle semble surjouer en permanence et adopte une gestuelle théâtrale beaucoup trop appuyée. Pourtant, je suis un véritable aficionado des films théâtraux/pièces filmées, de "Secrets et mensonges" (1996, Mike Leigh) à "Carnage" (2011, Roman Polanski) en passant par "Un air de famille" (1996, Cedric Klapisch). Je me suis alors dit que Vivian Leigh jouait vraiment mal et que son personnage de Blanche Dubois, limite hystérique et surtout précieuse ridicule, sonnait totalement faux.

Vivien Leigh Marlon Brando

Sauf qu'au fur et à mesure, on se rend compte que c'est précisément son personnage qui exige un tel jeu. Blanche Dubois est en réalité mystérieuse, multi faces (NDLR: toute ressemblance avec un Dieu du même nom d'une série télévisée mondialement connue est purement fortuite [if gte vml 1]><v:shapetype id="_x0000_t75" coordsize="21600,21600" o:spt="75" o:preferrelative="t" path="m@4@5l@4@11@9@11@9@5xe" filled="f" stroked="f"> <v:stroke joinstyle="miter"></v:stroke> <v:formulas> <v:f eqn="if lineDrawn pixelLineWidth 0"></v:f> <v:f eqn="sum @0 1 0"></v:f> <v:f eqn="sum 0 0 @1"></v:f> <v:f eqn="prod @2 1 2"></v:f> <v:f eqn="prod @3 21600 pixelWidth"></v:f> <v:f eqn="prod @3 21600 pixelHeight"></v:f> <v:f eqn="sum @0 0 1"></v:f> <v:f eqn="prod @6 1 2"></v:f> <v:f eqn="prod @7 21600 pixelWidth"></v:f> <v:f eqn="sum @8 21600 0"></v:f> <v:f eqn="prod @7 21600 pixelHeight"></v:f> <v:f eqn="sum @10 21600 0"></v:f> </v:formulas> <v:path o:extrusionok="f" gradientshapeok="t" o:connecttype="rect"></v:path> <o:lock v:ext="edit" aspectratio="t"></o:lock> </v:shapetype><v:shape id="_x0000_i1025" type="#_x0000_t75" alt="Winking face" style='width:14.25pt;height:14.25pt'> <v:imagedata src="file:///C:\Users\Marco\AppData\Local\Temp\msohtmlclip1\01\clip_image001.png" o:href="https://a.gfx.ms/emoji_1F609.png"></v:imagedata> </v:shape><![endif][if !vml][endif]), on sent qu'elle cache des choses essentielles à la trame de l'histoire. Partant, le changement de ton de Vivian Leigh lorsqu'elle ne joue plus son personnage dans le personnage, est totalement bluffant. Finalement, ce que je prenais pour une erreur de jeu relève au contraire du génie. Vivian Leigh rend une copie presque parfaite de femme schizophrénique, copie qui méritait amplement l'Oscar qu'elle remporta. Malheureusement, un peu comme Heath Ledger pour le Joker, elle est tellement entrée dans son personnage que ce dernier l'a littéralement phagocyté. Elle souffrira en effet de troubles bipolaires après ce rôle.


Or, la genèse de ce film prend sa source, comme chacun sait, dans la pièce à succès de Tennessee Williams sur Broadway en 1947. Le metteur en scène, Elia Kazan, refusait catégoriquement de l'adapter au cinéma, non seulement car après un tel triomphe sur Broadway il craignait de décevoir, mais surtout parce qu'artistiquement, il pensait avoir épuisé le sujet et le texte de la pièce. Précisément, la pièce faisait la part belle à Marlon Brando et à son personnage. D'ailleurs, force est d'avouer qu'il dégage un tel charisme et une telle puissance à l'écran également, qu'il était tentant de poursuivre dans cette même veine. Mais ce qui fit changer Elia Kazan d'avis et le poussa à accepter de réaliser l'adaptation au cinéma, c'est justement de centrer davantage le récit sur le personnage de Vivian Leigh et donc d’aborder l’intrigue sous un angle nouveau.

Dès lors, pas étonnant que celle-ci crève l'écran ! Encore fallait-il le talent de l'actrice pour transformer l'essai...La cruelle ironie de l'histoire veut que Jessica Tandy qui incarnait Blanche Dubois dans la pièce à Broadway, est la seule de la troupe à ne pas avoir été reconduite pour son rôle dans le film.

Marlon Brando

Autre coulisse intéressante: pourquoi un tel titre ? Vous allez bien évidemment me répondre "pour le tramway portant le nom de désir par lequel Blanche Dubois arrive chez sa sœur". Certes, mais pas seulement. Dans le monde d'après guerre, porter à l'écran une telle tension sexuelle entre deux monstres du cinéma tels que Marlin Brando et Vivian Leigh, relevait de la totale subversion. Le titre est clairement une allusion à cette tension et aux pulsions sexuelles susceptibles de nous emporter.

Or, là encore, quelle surprise d'apprendre que le film tel qu'on le connaît est la résultante d'intenses négociations entre Elia Kazan et son équipe artistique d'un côté, et le studio de production de l'autre. Ce dernier refusant par exemple la mention explicite de l'homosexualité du mari de Blanche Dubois. Ou encore, le viol de cette dernière à la fin étant supprimé par une ellipse introduisant un doute dans le film et obligeant même à changer la dernière image : afin de montrer que Stella a compris que son mari avait violé sa sœur, elle déclare clairement qu'elle ne redescendrait plus jamais vivre avec lui, alors qu'elle restait à ses côtés dans la pièce.

La production est même allée jusqu'à censurer des images de Stella dans la fameuse scène où elle descend les escaliers pour rejoindre son époux l'implorant de la pardonner. Le motif ? Son regard aurait été jugé trop sensuel et trop explicite. En outre, associer implicitement sexe et violence, autrement dit regarder une certaine réalité en face, était manifestement intolérable pour le studio.


Kim Hunter Marlon Brando

Malgré toutes ces précautions, le film est suffocant et restitue parfaitement l'ambiance malsaine de tension croissante et de danger qui rôde sur fond de moiteur typique de la Nouvelle-Orléans. Le noir et blanc épouse merveilleusement la mise en scène théâtrale d'Elia Kazan avec des jeux de lumière clair/obscur, véritables métaphores des désirs humains auscultés par l'œuvre.


Enfin, le film m'a furieusement fait penser à « Blue Jasmine » de Woody Allen (2013): même choc des cultures avec cette bourgeoise ruinée débarquant chez sa pauvre sœur. C'est aussi à l'influence artistique sur le long terme qu'on mesure l'empreinte historique d'un chef d'œuvre !

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