"Memories of Murder" : le "Seven" coréen...
De Joon-ho Bong (2004 -130 minutes)
Avec Kang-ho Song, Sang-kyung Kim, Hie-bong Byeon,…
Les meilleures œuvres sont toujours celles dont le mystère ne peut jamais réellement totalement être élucidé, celles restantes ouvertes à l'interprétation de chacun.
C'est le cas de ce "Memories of Murder" du réalisateur prodige coréen, Joon-ho Bong ("Snowpiercer", "Mother",...). Film policier noir se déroulant dans la campagne coréenne des années 80. Deux flics aux méthodes diamétralement opposées sont chargés de trouver un « Serial Killer » violant et tuant des femmes la nuit et sous la pluie.
Le premier détective est animal, instinctif, impulsif, violent tandis que le second, arrivant de Séoul, est un rationnel pur, se basant uniquement sur les preuves matérielles tangibles et ses capacités analytiques. Pourtant, aucun des deux ne semble parvenir à mettre la main sur le tueur.
Sur fond d'enquête policière, Joon-ho Bong dresse un portrait peu reluisant de la société coréenne de l’époque. Les policiers sont violents, manquent de moyens et surtout d'éthique. Ils sont prêts à tout pour un petit moment de gloire dans les médias, même à arrêter des innocents et à les contraindre aux aveux par la force.
Les hommes sont rustres, machos et leur autoritarisme laisse peu de place aux femmes, reléguées au rang d'épouses soumises. Le film fait aussi allusion au contexte général de tension avec la Corée du Nord avec ces couvre-feux pour des exercices militaires en cas de conflit soudain.
Kang-ho Song ("Snowpiercer", "Thirst",...) est excellent en brute policière à l'instinct sûr. Son alter ego de Séoul joué par Sang-kyung Kim est le parfait complément d'acteur, beaucoup plus introverti et mystérieux.
Les images sont d'abord très esthétiques et lumineuses avant de sombrer peu à peu dans un univers glauque et anxiogène. Il y a même un petit côté « Seven » de David Fincher (1995) avec ces images sombres, ses scènes répétées de pluie, cette tension permanente et cette frustration grandissante de ne pas voir ce tueur en série se faire attraper.
La musique est très belle, douce et poétique. La terreur est encore plus affreuse lorsqu'elle frappe toute en légèreté, insidieusement, implacablement. On frissonne encore davantage à l’idée de savoir que l’histoire est basée sur des faits réels survenus entre 1986 et 1991 à propos du premier tueur en série apparu en Corée.
Un film singulier, très loin du manichéisme de certains films hollywoodiens, avec des personnages travaillés, creusés, montrés tels quels, avec leurs qualités et leurs défauts.